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"Si le goût des honneurs vient aux personnages vieillissants, c'est par logique et hygiène. Quand les reins se fatiguent il faut aimer les fauteuils."
François Nourissier
Vous ne savez pas ce que c’est d’écrire Henry Geache le
dimanche soir quand on dispose au maximum de 70% de ses capacités mentales, et qu'en temps normal on utilise au maximum 15% de nos capacités cérébrales.
Réfléchissez-y.
En plus Henry est un vieux dégueulasse qui vit sa vie sans aucune considération pour ceux
qui l’ont engendré. Il dit du mal de Habunga un peu partout dans le monde et continue
sa vie de personnage entre les épisodes : Targa Kolikov l’a laissé dans un
bar, vêtu d’un costume élégant et moi je le retrouve en pantalon de survêtement
Adidas dans un avion Azai Airlines en
classe affaire, qui porte une moustache et des lunettes de vue à élastique.
Il ressemble à
ma grand-mère. On a beau lui dire que le dimanche il doit être chic et dispos, il s’en
fout royalement.
Les personnages littéraires ne sont plus ce qu’ils étaient du temps des grands classiques où les écrivains publiaient des chefs-d’œuvre. Quand Flaubert disait à Mme Bovary d’embrasser son valet de chambre sur la bouche, elle s’exécutait, même si le type sentait mauvais. Parce qu'elle avait du respect pour son patron. Maupassant ordonnait à Bel ami de pleurer et Bel Ami chialait comme une fillette.
Aujourd’hui les héros sont ingérables. Ils se surestiment, comme tous les gens qui connaissent leur valeur intrinsèque. Ils deviennent vénaux. Henry par exemple nous a demandé
de remplir les formalités nécessaires à la constitution d’une SARL, parce que
la loi l’en empêche, à juste titre d'ailleurs. Il prétend que Gatsby le Magnifique aurait
réussi à obtenir de Fitzgerald qu’il le couche sur son testament, un jour où l’auteur
resta sobre pendant plusieurs minutes. Plus précisément, Gatsby voulait la villa
de la Riviera, ainsi qu’une montre à gousset appartenant à la femme de
Fitzgerald, qui s’avèrerait également avoir été la maîtresse de Gatsby. Dieu
seul sait comment.
« Il ressort très clairement des épisodes 1, 3 et 6 de la série dont mon client est le sujet central, que les auteurs du Centre Participatif de Gentlemen (ci-après CPG), dénommé HABUNGA, ont tenu des propos diffamatoires et vexatoires envers Mr. Geache, portant ainsi atteinte aux principes constitutionnels de Dignité de la personne humaine et d’intégrité de la personne, nuisant également à sa réputation d’une façon irréparable. Ce dernier est donc disposé à agir devant le Tribunal de Bamako, territorialement compétent pour connaître de ce litige, dans le but d’obtenir la réparation des dommages moral et patrimonial que vos écrits ont causés ».
C’était signé "Jacot V".
Vous imaginez le coup dur que ça a été, aux bureaux.
Dimanche matin, des restes d’étoiles plein la bouche et une lettre de Jacot
V. Malgré l’agitation qui régnait nous avons réfléchis très calmement à la
situation, pour ne pas prendre de décision hâtive. Comme nous croyons pour
notre part que les problèmes les plus compliqués doivent toujours se résoudre en moins
de dix minutes, nous avons décidé qu’il fallait tuer Henry. On a également
pensé à éliminer Vergès, mais il est immortel.
Maintenant que vous savez ce qu'on a en tête, ne soyez donc pas surpris
de retrouver Henry en Irak, en Afghanistan, ou même en train de danser sur une
corde de nylon au-dessus d’une piscine dans laquelle rampent mille requins
assoiffés. On ne le ratera pas. Et ce jour-là, si on nous pose des questions,
on fera comme tous les écrivains français. Innocents, on retirera nos lunettes, les yeux
plissés pour donner un peu plus d’impact à nos propos, puis on vous expliquera
que l’assassinat d’Henry était « indispensable à la logique romanesque, à
la structure narrative et au climax émotionnel sans lesquels Henry Geache ne
serait plus qu’une toute petite série écrite par de très petits auteurs sur un minuscule
blog ».
C.Q.F.D.
Arsène Hasar
"relax"
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