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01/05/2011

Henry Geache - Le secret [Ep.6] / Arsène Hasar





PETER P : le secret (stylo bic sur A4 puis Polaroid)



Au Bureau X, une fois qu’on était habitué aux risques du métier, on s’apercevait alors des avantages somptueux dont on pouvait tranquillement profiter.

Henry avait notamment un Référent, qui lui tenait lieu de tailleur, de médecin, de mécanicien, de plombier et d’épicier de dernier recours (c’était écrit dans le contrat d’Henry et enregistré sur microfilm), qu’il pouvait appeler à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Vous imaginez à quel point ça peut être pratique. Pendant les mois où Henry n’était qu’un jeune nouveau, il hésitait à déranger son Référent, un peu par timidité, un peu parce qu’il n’en voyait pas l’utilité. Il ne le voyait qu’une fois par mois, lorsque ce dernier venait pour procéder au renouvellement du stock : il arrivait sans même dire bonjour, dans l’appartement d’Henry, dont il possédait les clés, avec une grosse valise qu’il déverrouillait précautionneusement. Il posait la valise sur la table, et disposaient toujours les mêmes petits sacs de plastique noir (étanches et increvables) à plats sur le sol. Après s’être cérémonieusement râclé la gorge, il dressait la liste des provisions que le Bureau recommandait à Henry, et qu’il devait ensuite  expressément accepter ou les refuser. Il y avait de tout :

-un demi kilo de haschish afghan, envoyé par le consul de France à Hong-Kong, qui voulait remercier Henry de l’avoir tiré d’affaire  le jour où il lui évita d’être extradé vers la France, où l’on s’apprêtait à l’auditionner dans le cadre du démantèlement d’un vaste traffic de petites culottes extra-larges usagées ;

-un costume Dior taille 48, trois pièces, avec une veste à deux boutons et douze cravates de soie, envoyée par Alexandra Schmidtrz, la femme qui avait parlé d’Henry, un jour, au Directeur Europe du Bureau, à la fin d’une nuit d’adultère.

-un grain de beauté artificiel qui contenait la plus petite caméra 3D crée à ce jour, envoyé par le Labo X parce qu’Henry en aurait bientôt besoin au cours de son entretien amical avec le Consul Chinois à Paris, entretien au cours duquel le Consul devait faire d’importantes confidences au sujet de l’affaire dite « des Grosses Culottes Sales ».

-Des pastilles contre la faim, contre les insomnies, contre la colère, contre l’envie d’aller pisser, contre l’envie de vivre, contre la migraine, des pastilles vertes, rouges, bleues, oranges, jaunes, toutes ces pastilles que lui envoyait un expéditeur anonyme  qui se trouvait être le laboratoire concurrent du Labo X, qui, souhaitant depuis toujours travailler avec Henry, s’était dans mis en tête de le rendre accro aux pastilles.

Henry refusait toujours les pilules, mais il acceptait toujours les cigarettes, les gadgets et les costumes du Labo X. La plupart des agents hésitaient quelques mois, puis finissaient presque inévitablement par s’accoutumer aux pilules. Certains recevaient plus de provisions que d’autres ; d’autres encore téléphonaient tous les soirs au Référent, qui devenait alors leur psychologue (amoureux de Freud et de Lacan, le Référent avait d’ailleurs publié plusieurs ouvrages sous le pseudonyme absurde de Bart-Henri Medhi). Autant dire qu’au Bureau des Renseignements, le Référent était la personne la mieux renseignée. Il savait tout des agents. Il connaissait leurs plus infimes secrets. Il connaissait même les secrets d’Henry.
A ce point, vous devriez comprendre que  le Narrateur s’apprête à vous dévoiler les secrets d’Henry. Mais vous devez également comprendre, chers lecteurs, que le Narrateur hésite. Pour des raisons de dramaturgie, pour le rythme de l’histoire, et pour ne pas blesser certaines personnes dont, en vous dévoilant les secrets d’Henry, je devrais également vous dévoiler la véritable identité, je crois qu’il vaut mieux que je ne vous dévoile pas encore les secrets d’Henry. Pas tous, ni tous à la fois. Juste un seul alors, puisqu’il concerne l’un d’entre vous, chers lecteurs… le devoir m’oblige alors à vous raconter ce qui suit.
Selon le peu d’informations dont nous disposons, et que nous ont communiquées les Sections du Bureau pour l’exploration spatiale de niveau 4, il semble qu’Henry soit quotidiennement surveillé par le bureau depuis près de 5 ans. 
Nous savons également que le Référent a chargé l’un des plus efficaces des détectives privés du monde d’enquêter sur une autre personne, depuis 5 ans, également - si cette coïncidence a beaucoup attiré notre attention, c’est parce que la demande de mise en filature d’Henry est précisément parvenue le même jour et au même moment que celle de cette autre personne, au bureau des demandes.
Il s’agit d’un jeune homme d’une vingtaine d’années  dont on n’a pas pu retracer les origines ethniques, même après les deux batteries d’examens approfondis que des collègues ont pratiquées sur le dénommé Vergiste, Antoine. Examens trop approfondis peut-être, d’une part parce qu’ils n’ont rien donné, et d’autre part parce qu’ils ont laissé des séquelles chez le sujet : il en a notamment gardé un goût très prononcé pour le R’n’B  et une mauvaise vue. Phénomène encore plus surprenant, il semblerait que l’une des parcelles de son lobe occipital se soit déplacée progressivement vers ses pieds, leur conférant une agilité remarquable en termes de football.

Les tests ne sont pas censés produire ce genre de résultat sur un être humain normalement constitué. Deuxièmement, un cas similaire a été observé, il y a quelques mois de ça, par l’un de mes collègues du MIT. A la suite de six mois de traitement de données, et d’analyses éreintantes, nous en sommes arrivés à la double conclusion suivante (tous les tests la confirment) : le dénommé Vergiste, Antoine n’est pas de type humain, et Henry Geache est le père biologique du dénommé Vergiste Antoine.

Il y a cinq ans, Henri a connu une expérience du troisième type (cf Henry Geache, Episode V : « l’Espace », par Targa Kolikov) à caractère sexuel. Et il semblerait que cette expérience n’ait pas été un rêve, au sens où nous l’entendons. L’individu de troisième type qui est arrivé sur Terre il y a 5 ans, celui qui s’est introduit dans l’enveloppe humaine d’Antoine Vergiste pour usurper sa personnalité, il est le fruit direct de ce qu’a fait Henry, lorsqu’il était dans l’Espace. Son véritable nom est Zorg. Nous lui avons donc donné le nom de code suivant (si vous êtes amenés à en parler, appeler le Zorg, c’est plus sûr) : Zorg Vergiste.
Vergiste était partie intégrante du réseau de l’affaire des Culottes Sales, et son rôle n’a pas été négligeable dans celle de la Disparition de la Suèdoise, où sont également impliqués Axel d’Arbley et Jean Fusari. Vergiste est d’ailleurs l’un des proches du Consul de France à Hong-Kong, et le futur gendre du Consul de Chine à Paris. Nous pouvons donc dire qu’il est dangereux ; même si ses intentions sur Terre sont pacifiques : il veut seulement retrouver Henry.

Henry, pour sa part, ne sait pas que Zorg est son fils. Il ne tardera pas à l’apprendre, soyez-en sûrs.




c'était
 Henry Geache
épisode n°6 

Le secret

par

Arsène Hasar






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