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12/04/2011

ZONZ / Targa Kolikov


Jesco White

Mon Pater me disait, tu sais couillon être enfermé c'est devenir taupe, le trou, on ne voit même plus la lumière du noir tellement qu'on tombe.

Tintin se pète la gueule et les autres le regardent en se marrant, il n'y a rien d'autre à mater sauf le cul d'Ali qu'ils appellent la passoire, ça fait rire ça aussi, la passoire car le trou du monsieur laisse filtrer beaucoup de choses, pas les secrets, mais beaucoup d'amour. Papa on l'appelait pas la passoire on le frappait, comme ça pour être gentil, un jour alors que ces yeux étaient encore bleutés de caresses, il m'a dit qu'il fallait être très courageux pour être gentil ici, parce que la prison c'est pas le meilleur endroit pour la gentillesse. Moi je lui ai répondu qu'y avait pas de vrai monde pour la gentillesse, j'étais encore un jeune con qui n'en avait rien à fouttre des passoires et des coups, le seul truc qui me plaisait c'était d'aller rendre visite à mon père puis c'est tout, je m'en branlais de la gentillesse, j'avais pas l'âge encore. J'étais peut-être déjà trop vieux, j'ne sais pas, puis je m'en fous.

Avant qu'il ne se fasse crever par un type pas si gentil que ça apparemment il m'écrivit tu sais fiston la prison ça n'arrange pas ça démange ! Je l'imaginais entrain d'écrire cette phrase alors qu'il fallait généralement attendre qu'il rentre bourré à la maison avant qu'il signe le plus petit des papiers tellement qu'il savait pas écrire, qu'il était analphabétisse. Je l'imaginais après trois claques dans la gueule alors que son ami Ali récitait des versets de jouissance sur un silence d'hommes et que c'était la fin de l'après midi.
Voilà la prison ça n'arrange pas ça démange alors j'y suis rentré, par la petite porte, j'ai agressé un vieux car j'étais déjà trop vieux pour la gentillesse et c'est vrai que papa racontait les vraies choses telles que je les vois, rien ne s'arrangeait ici, non, la prison ça démange. J'avais quinze ans. J'en pris trois de retard sur mon monde.


Là-bas on ne voyait pas plus de passoires ni de teignes que la normale, beaucoup gens vivaient ici car ils n'avaient jamais su où se mettre alors la prison au final pourquoi pas. Moi ça m'allait pas trop, je commençais à sentir ce que l'on appelle  le téléphone du corps et sans savoir pourquoi je n'étais pas attiré par mes camarades. Pas vraiment envie de me faire enfiler même si y'avait pas le choix. Y'avait bien John, trans à la déroute sauf que lorsqu'il oubliait de s'enlever les poils ça devenait trop dur à voir, je me rappelais alors qu'il était un homme et que moi aussi. Les pédés avaient plein de faveurs et tout et tout, ça pullulait, à croire que dehors le monde tous étaient pareils mais ils n'osaient pas le dire alors que la prison s'est fermée, ça change beaucoup de chose ça.


De mon côté je sentais qu'il fallait sortir, pour mon corps et pour moi, me rendre dehors-dehors, y'a un âge où il faut arrêter de suivre les traces de son père sinon je finirai à poil dans une cellule sans que personne ne s'intéresse de savoir si je suis mort ou vivant, si je suis libre quoi. Les barreaux ne servent qu'à faire fonctionner la boite à idées, le cerveau et les bidules qui font qu'on imagine tous les trucs qu'on ne pourra jamais vivre derrière les bétons en couleurs censés nous rassurer sur la beauté des choses.

J'attends encore un peu puis on verra.


Targa Kolikov

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