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03/04/2011

Henry Geache - le Travail [Ep.2] / Arsène Hasar

Pour la plupart des gens, il y a des jours avec, et des jours sans. Pour Henry, il n’y a plus que des jours sans.
Cette mystérieuse absence se développe tranquillement dans son âme comme un ulcère dans l’estomac. Henry n'a plus qu'un souvenir approximatif des matins dont vous vous délectez parfois, imbéciles de lecteurs,lorsque quelque chose de bienveillant semble vous attendre en bas de chez vous. Vous voyez ?  Vous vous levez comme de bons petits soldats, parce que vous avez rendez-vous avec le bonheur, et que ce dernier viendra peut-être, aujourd’hui, demain ou en Avril. Voyant qu’il est toujours en retard, vous continuez à lui offrir des excuses : « Sûrement les embouteillages, « Avec cette pluie épouvantable, normal qu’il n’ait pas fait le déplacement ». Henry lui, il l’emmerde le bonheur. Il lui crache à la figure, et préfère se déplacer seul plutôt que d’attendre qu’une lopette de fantôme se joigne à lui.
La première phrase qu’il prononce avant de se lever, aujourd’hui, c’est donc tout naturellement : « Allez tous vous faire foutre » ; et lorsqu’il réalise qu’il vient de parler à son réveil, c’est à lui-même qu’il adresse la louange suivante : « Quel con… ». C’est qu’il avait un rendez-vous important ce matin... pour le travail, ce travail dont il ne peut parler à personne, ni à sa femme, ni à sa sœur, ni au seul ami qui lui reste et qui ne tardera pas à foutre le camp, lui aussi. Vous comprendrez donc que malgré tout le respect qui vous est dû, chers lecteurs, la nature du "travail" auquel se livre Henry doit rester secrète. Pour votre sécurité, pour la sienne, pour la paix des ménages, pour la survie du Grand Jaguar de l’Ouganda, dont il ne reste qu’un exemplaire amoché ( il boite et sa vue est affectée d’un strabisme qui le rend parfaitement inoffensif, si bien qu’il est devenu le souffre-douleur  des bandes de caniches qui sévissent dans cette région de l’Afrique) ; pour l’amour de la Vierge Marie et pour l’équilibre du cosmos, il faudra donc que certaines informations ne vous soient jamais divulguées. Sachez juste que de gros ennuis l’attendent, et qu’ils ne le rateront pas.
« Mais si ce travail est si secret, c’est qu’il doit être sacrément important ! » Vous dites-vous sûrement…avant de vous demander, sceptiques, comment il est possible qu’on n’entende pas son réveil, lorsqu’on est employé pour sauver le monde. A ces questions judicieuses, aucune réponse satisfaisante ne peut être apportée. Disons juste que lorsqu’on a la possibilité de faire quelque chose de primordial, deux grandes alternatives  s’offrent à nous. On peut prendre son courage à deux mains, et tendre de tout son être vers ce quelque chose de primordial, comme un certain membre dur et héroïque vers une certaine cavité chaude et humide, pour s’acquitter du devoir que notre bon sens nous invite fermement à accomplir. Mais il arrive aussi qu’on ne reconnaisse pas le devoir sous les vêtements crasseux de la morale et des bons sentiments (le devoir a souvent très mauvais goût). Dans ces cas-là, on s’assoit à la fenêtre, et l’on pense à quelque chose de plus beau. Alors on jette un coup d’œil par la fenêtre, vers ce qui soudain nous paraît être l’harmonie d’une ville, la symphonie des parallèles et des perpendiculaires, l’ordre qui perce au travers de l’anarchie. Il y a des gens minuscules, qui sortent des wagons, et d’autres wagons grincent au loin, au-delà de notre vue : le cri qui nous parvient pourrait être celui d’un de ces monstres marins qui sont si familiers à Henri. Dans les moments cruciaux, il choisit toujours la seconde solution : il s’assied quelque part pour boire une bouteille de San Giovese, seul, sans attendre qu’un fantôme vienne lui donner de bons conseils. Il a les idées claires quand il décide de ne pas mettre de réveil et de se coucher une fois qu’ il ne tiendra plus debout.
Il dit « allez au Diable » et il ne le dit pas parce qu’il pense que vous devriez passer quelques heures avec le Diable, ni parce qu’il éprouve de la sympathie pour ce dernier, qu’il n’a d’ailleurs rencontré qu’une ou deux fois. Il le dit parce qu’il vous aime, à sa façon, et que vous avez tout intérêt à lui foutre la paix. Pour votre bien-être, pour le sien, pour la reprise économique, et pour la survie du Petit Puma de Kuala Lumpur, dont il ne reste que la moitié d’un représentant ( il a perdu la jambe droite à la suite d’un accident d’avion, le jour où il devait précisément rencontrer le Grand Jaguar de l’Ouganda, ironie du sort).


Retrouvez Henry Geache dimanche prochain 

Relisez l'Episode 1


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1 commentaire:

  1. je signale petit puma kuala lumpur monojambiste terrorisé coincé dans la cuvette du clair de lune

    j'invite tous les animaliers, tous les célibataires, tous les coeurs de truffe, tous les henry geache, à ne pas tirer la chasse.

    RépondreSupprimer