L’idée qu’il existait un homme le
plus grand du monde et un homme le plus petit du monde, qu’ils pouvaient tout à
fait être une femme du moment que c’était du monde, me laissait un sentiment
mélangé d’héroïsme et de moulure, moi l’homme moyen. Je n’étais pas cadre.
Une journée d’où le soleil
pleuvait son énergie cancérigène et autour, sur les boulevards, dans les rues,
on s’affolait on courait alors que dans l’incapacité d’aller plus vite qu’un
train indien, mon corps rejetait d’énormes gaz dus au pecorino présent dans
toutes les pâtes au pesto de moyenne qualité avalées la veille, à sa volonté de
participer au changement climatique, et pour se dire que même à Tokyo, il ne
sera jamais interdit de péter dans les lieux publics. Sinon ça deviendrait très
dangereux.
Les asiatiques jusqu’à 30 ans j’ai
l’impression qu’ils sont enfants puis ensuite, d’un seul coup, ils se
retrouvent à en avoir 60 sur la gueule, l’âge ne fait pas tout, il y a aussi l’acceptation
du pont je grandis mais maintenant je vieillis. J’arrive à cette tour géante,
pleine de lumière, ça puait le consumérisme à plein nez, on se demande bien
comment ça finira dans un siècle cette fuite constante en avant. L’économie de
marché et le temps ce sont des grands enfants, mais des enfants uniques, et ça
change tout.
J’aperçois justement une de ces
magnifiques nippones, les lignes extérieures ne pouvaient que cacher encore des
mystères bien plus profonds, de ceux qui vous cuisinent de l’intérieur et vous retournent. Un trésor
habillé en rose, les japonaises adorent le rose. Elle avait 15 ans comme elle
en avait 30, je vous le dis, peu de différence visuelle, je savais juste ce que
ça me faisait dans la tête, sur la bite
et dans les jambes.
Un clin d’œil, je lui fais un
clin d’œil, si j’avais eu la possibilité d’en faire un deuxième je n’aurais pas
hésité longtemps, sauf que mes yeux restèrent collés, un défaut de famille, et
qu’il fallait généralement une à deux minutes pour que je puisse à nouveau les ouvrir.
Pour le moment, je ne voyais que dalle et je continuais à m’avancer vers cette
femme, tâtonnant l’air, en me disant que si j’étais assez rapide je prendrai l’ascenseur
avec elle et alors là, sans aucune arrogance, je crois qu’elle découvrira des
choses tout à fait fascinantes. Si seulement la vue ne tardait pas à revenir cela
me dépannerait.
Douce, aussi douce que la main d’ElinorSmith, me prit la mienne et me porta dans l’ascenseur, heureux comme les judas
dans leurs premiers instants, je voulais sucer ses sushis sur ses seins. Faire
un peu d’aller-retour longs et circulaires, comme ça, pendant toute une génération.
Excité c’était le mot juste pour définir la situation tendue de l’ascenseur.
Mes yeux reprirent connaissance
et j’eus la chance, mes amis, de tenir la main à l’homme le plus petit du
monde, il m’arrivait aux hanches, en smoking impeccablement étiré, ce n’était
pas un nain, simplement un homme petit et non japonais qui parlait dans un
grand téléphone. Je te reconnais qu’il me
dit, ma compagne a lu ton livre –
Le monde est petit mon ami, le monde est petit. Et même si ce n'était pas le plus petit je me le disais car il fallait bien mettre des certitudes sur ses journées.
Et il me souriait sans raison et
voulait je ne sais quoi, je lui souriais aussi, alors on souriait tous les deux
contents que l’autre sourit et ainsi de suite, l'un devant l'autre, sur vingt étages. Il descendit
au 41, et pendant un moment de réflexion intense, j’imaginais cet homme petit
habillé en rose et alors je lui faisais des clins d’œil à l’infini sans que mes
yeux ne se bloquent. Jamais. Et moi je deviendrai femme.
Mrs T.Kolikov
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